Textes Jacques Dussart
Photographies Franck Fernandez

Une redoute face à la mer, tournée vers le large, tranquille et sûre d'elle, comme un roc.
Une mer bleue, calme, silencieuse et sombre, comme la mer.
Dans l'antre de ces lieux on ressent comme un enchantement. Les murs sont là, figés dans leur sommeil, qui attendent un improbable coup de boutoir. Pourtant, si l'on y prend garde, on entend une étrange rumeur...
C'était à l'époque de La Royale, cette somptueuse marine à voile qui hissait haut les couleurs d'une France arrogante et suceptible, avide de conquête et du sang des autres. La côte de Provence, trop exposée aux assauts des flottes ennemies, se parsema de tours et du regard croisé des canons de bronze. Le temps des Rois, un autre temps de guerres, qui dévora ses fils de sa rage de vaincre, sécréta ainsi sa carapace. Bloc après bloc, les nuées d'esclaves enchaînés du bagne arrachèrent à la montagne proche sa blancheur de calcaire, et l'amenèrent en file étroite et cliquetante jusqu'à cette grève.

Au dehors le bruit et la fureur des armes.
Au dedans une musique douceâtre qui filtre par les pierres.
Au milieu, un escalier, spirale des métamorphoses du temps, qui mène à la terrasse. Etrange rondeur que celle de cette enceinte, qui tourne comme le monde.
Au large, aussi loin que se porte le regard, on voit miroiter les mille soleils des siècles passés et futurs. La bouche des canons est ouverte et semble prête à répondre à la moindre provocation. Des images furtives, ocres et jaunes, parlent d'autres cieux, au delà des villes ou au delà des mers, d'autres bagnes enfouis dans la rondeur d'autres tours des miracles.
A quel dieu se vouer quand on a perdu les clés de sa vie ? Comment trouver la paix quand partout clame l'ardeur de la guerre?
Seule la tour connaît le secret des âmes perdues...

Un peu d'Histoire...


Parce qu'au XVe et XVIe siècles, Toulon ville royale arsenal des vaisseaux, connu le début de son essor, les rois Louis XII, François 1er puis Henri IV s'attachèrent à en renforcer les défenses. En 1636, pour améliorer la défense de Toulon, on construisit sur la pointe de Balaguier une tour à canons. Inscrite aujourd'hui à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, elle se compose d'une tour circulaire dont la partie supérieure voûtée peut recevoir un canon dans chacune de ses huit embrasures. Un chemin de ronde crénelé en couronne le sommet. Elle reçut en 1679 la visite de Vauban qui proposa des transformations.


À l'intérieur de l'enceinte du fort, fermée par un pont-levis, on trouvait à l'origine : un corps de garde, deux guérites en pierre, un four servant à rougir les boulets, un magasin à poudre, un magasin à vivres, un four à pain, une citerne, un casernement pour soixante-cinq hommes et un casernement pour quarante-quatre canonniers. Au pied de la tour, deux batteries basses complétant le système de défense furent construites. En 1679, Vauban entreprit ici un des projets les plus considérables de sa carrière. Le chantier fut confié un ingénieur que Vauban estimait, Niquet. C'était un homme fort compétent, qui possédait une grande indépendance d'esprit qui lui valut le 7 septembre 1681 une sévère lettre de remontrance de Colbert, et même un ordre d'incarcération à la Grosse Tour, qui ne fut d'ailleurs jamais suivi d'effet.
En se fondant à l'enceinte d'Henri IV, dont deux fronts furent supprimés, l'ingénieur agrandi l'enceinte vers l'ouest de trois fronts terrestres et deux marins dont les jetées vinrent enserrer la Darse neuve ou Darse de Vauban.
Ses heures de gloire, le fort de Balaguier les connut plus tard le 17 décembre 1793, quand les armées républicaines, fondant depuis la colline Caire, en chassèrent les Anglo-Espagnols et de là, délivrèrent Toulon. Parmi les soldats composants cette armée victorieuse, la jeune officier d'artillerie Napoléon Bonaparte, devait faire, plus tard, parler de lui ... La paix revenue, Balaguier vivra au rythme très animé de la grande rade, assistera au départ de Bonaparte pour l'Égypte et à celui de Duperey pour conquérir l'Algérie en 1831. Quelque quinze ans plus tard, le drapeau de Balaguier salua sans doute le trois mâts " La Belle Poule" partant chercher à Sainte Hélène les cendres de l'Empereur Napoléon 1er.


L'histoire militaire de ce fort connaîtra une dernière péripétie le 26 août 1944, quand, après un bref échange de coups de feu, les soldats allemands occupant Balaguier se rendirent aux hommes commandés par De Lattre De Tassigny. La carrière militaire de la tour du 17e siècle s'achèvera le 1er janvier 1967 quant le bâtiment fut loué à la ville de La Seyne-sur-Mer. Il abrite maintenant un musée dont les collections appartiennent à la ville. Exposition permanente sur l'histoire des bagnes portuaires et d'outre-mer et plus particulièrement sur le monde des forçats et du bagne de Toulon. Tous les ans, une nouvelle exposition permet de découvrir un aspect de l'histoire maritime et locale. Cette exposition a lieu dans la tour dont la Salle Basse a été aménagée en salle vidéo .

Musée Balaguier
Corniche de Tamaris
83500 La Seyne-sur-Mer
Ouvert au public tous les jours de 10 heures à 12 heures
et de 15 heures à 18 heures (15 - 19 heures en saison)
Fermé le lundi - Entrée payante.
Téléphone : 04 94 94 84 72